Multiplicités…


La série de tableaux à l’encre que je souhaite partager ici est née du développement de ma propre sensibilité vis-à-vis du monde autour de nous ou plutôt en nous car c’est lui qui nous fait, c’est notre relation à lui et l’inverse qui nous façonne.

Il y a une dizaine d’années, j’étais musicienne, sans autre univers que les heures de travail sur ma pratique ; je ne voyais ou plutôt ne connaissais que peu les autres vivants, j’appréciais leur beauté et j’en avais besoin mais ne consacrais pas de temps à les observer les connaître mieux et je le regrettais. Et puis, j’ai arrêté cet art momentanément, je suis arrivée dans la région de Sisteron et me suis mise à marcher, à écouter, à reconnaître petit à petit, à regarder autrement le vivant grâce à l’enseignement de nombreuses lectures au carrefour de l’éthologie, de la philosophie et de l’anthropologie, entre autres Baptiste Morizot, Tim Ingold ou Jean-Marc Landry.

Je me suis remise à peindre et dessiner en essayant de retranscrire le sentiment que j’avais lorsque j’étais en marche au milieu d’une forêt, d’une montagne, de n’importe quel paysage un tant soit peu préservé de la cupidité de notre société. Ce sentiment de n’être jamais seule et pourtant tranquille ou plutôt à une place juste, jamais séparée, différente et pourtant non exclue. Un animal comme les autres.

Et puis de dessins naturalistes, il n’est pas difficile de franchir un pas vers le mélange des corps et des esprits, juste pour se figurer la vision de l’Autre. Et de cette vision différente, d’un regard élargi, laisser naître l’image de ce que serait le chemin d’une société incluant tous les vivants à l’opposé des choix qui ont prévalu jusque là : la domination et l’exclusion. Ces choix se sont manifestés entre autres en déformant l’image des autres vivants à travers les contes et les symboles : le grand méchant loup et l’ours ridiculisé, ce qui a conduit à leur extinction ou presque.

On a créé une opposition à la « Nature » en montrant du doigt ces dangers mais le monde humain en a inventés bien plus alors que la vie se satisfaisait d’un équilibre où chaque être avait sa place, sa fonction et sa plénitude d’Etre ! L’humain a fait chuter l’équilibre et en prendre conscience, laisser l’espace de notre environnement commun se reformer, se réparer, nous ferait grandir bien au-delà de nos présupposés, préjugés, préfabriqués par des peurs ancestrales artificielles et bien loin de la connaissance intime que d’autres peuples ont su développer.

Changer de perspectives…
C’est ce que la peinture permet, élargir notre vue, inverser les regards et prendre en compte la réciprocité. Croiser n’importe quel autre animal lors d’une marche et l’on se rend compte de manière brute et immédiate, si l’on reste attentif et calme, que l’autre nous rend notre curiosité. C’est le même regard qui nous fait face en miroir.

Des intériorités multiples qui dialoguent et échangent leurs points de vue………..